l’élevage de grenouille rieuse en France

Aujourd’hui, il y a seulement trois élevages de grenouilles en France, et leur production – bien que croissante – reste marginale par rapport aux quantités consommées. Ces cuisses de grenouille nées, élevées et transformées en France sont servies sur les meilleures tables d’étoilés et de restaurants gastronomiques.

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Le pionnier dans le domaine est l’élevage François Production, situé à Pierrelatte dans la Drôme. Patrice François le fondateur élève aujourd’hui dans une ancienne roseraie 100 000 grenouilles chaque année, qui sont ensuite vendues fraîches à des restaurateurs sous la marque « Grenouille de France ».

Puis Normandy Frog s’est installé dans la Manche en 2017. Les deux frères  Leraisnier élèvent sous serre des grenouilles servies sur les tables normandes et parisiennes.

Enfin Aquaprimeur a ouvert en 2020 dans un bâtiment spécialement pensé pour la raniculture, avec la spécificité de se spécialiser sur l’écloserie.

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Le cycle de vie de la grenouille est-il le même en élevage qu’en milieu naturel ?

Oui, le cycle de vie de la grenouille est le même en élevage qu’en milieu naturel. Les grenouilles passent du

stade têtard à celui de grenouillette pour devenir une grenouille. Dans la nature, les grenouilles ne s’alimentent pas dès que la température descend. En élevage, les grenouilles grandissent toute l’année. Elles atteignent donc leur taille adulte en 1 an.  À chaque stade de leur vie, les grenouilles sont placées dans des bassins conçus pour être adaptées à leurs besoins.

Les grenouilles de raniculture sont-elles les mêmes que les grenouilles sauvages ?

Oui. La grenouille élevée en France est la grenouille rieuse.

Pourquoi un éleveur de grenouille s’appelle un raniculteur ? A cause de l’ancien nom latin de la grenouille rieuse : Rana ridibunda, qui était tout de même plus seyant que le nom actuel Pelophylax ridibundus.

Pour créer  une filière de raniculture, l’INRA a entrepris en 1980 de domestiquer la grenouille rieuse. Pour cela il y a eu une longue période pour apprendre aux grenouilles à se nourrir de granulés, puis vérifier sur plusieurs générations qu’elles pouvaient se reproduire même en captivité. Enfin en aout 2006 cette nouvelle lignée fut inscrite sur la liste des espèces, races ou variétés d’animaux domestiques.

Les grenouilles sont-elles élevées en étangs ?

Non, en France les grenouilles sont élevées sous serre, dans des bassins. Sous nos climats, cette méthode permet d’assurer les conditions nécessaires au bon développement des grenouilles, notamment la chaleur. La température de l’eau, le type et la quantité de nourriture sont optimisés pour chaque stade de développement de la grenouille. Les grenouilles de l’élevage ne sont pas soumises à la pression des prédateurs environnants (oiseaux, poissons, renards…) ou aux aléas climatiques : survie et croissance sont favorisés.

l’écloserie Aquaprimeur

L’écloserie Aquaprimeur

Aquaprimeur est fournisseur de juvéniles pour la filière ranicole. Technologies modernes, biomimétisme et pratiques durables sont utilisées pour élever des grenouilles de manière efficace et responsable, en garantissant la qualité des produits pour nos clients et le bien-être animal. L’écloserie d’Aquaprimeur en Normandie se concentre sur les phases les plus délicates du cycle d’élevage, à savoir comme pour tous les êtres vivants : les premiers mois.

Où grandissent les têtards ?

L’écloserie Aquaprimeur utilise les technologies modernes tirées de la nature : phytoplancton et biofloc constituent la première alimentation des jeunes têtards. Ces technologies contrôlent la qualité de l’eau tout en apportant une valeur nutritionnelle, plus proche de leur alimentation dans la nature. phyto biofloc montage

Comment le têtard devient-il une grenouille ?

Une fois éclos, les têtards évoluent dans d’autres bassins et de la nourriture leur est distribuée de façon régulière afin d’assurer une bonne croissance. Après quelques semaines, les pattes arrière apparaissent, puis les pattes avant. A ce stade, les animaux rejoignent des bassins très calmes pour finaliser leur métamorphose. C’est une étape passionnante durant laquelle l’animal passe d’aquatique à terrestre, avec un plus gros cœur, des poumons, un intestin efficace de carnivore, etc. Durant cette étape l’animal doit être tranquille. Mais passés quelques jours, il va développer un gros appétit et commence à manger des granulés. C’est l’étape de sevrage. Cette étape de transformation est très délicate. Dans la nature peu survivent … L’attention que les soigneurs d’Aquaprimeur portent aux animaux permet que la plupart passent avec succès cette étape.

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Que mangent les grenouilles ?

Les grenouilles dans la nature sont carnivores. C’est pourquoi nous leur distribuons chaque jour des granulés pour poisson carnivore – à base de protéines végétales et de farines de poisson. Des tests sont en cours pour utiliser à l’avenir des farines d’insectes, plus proche de leur alimentation naturelle.

Donnez-vous des traitements aux grenouilles (antibiotiques, …) ?

Non, nos grenouilles ne reçoivent aujourd’hui aucun traitement. L’isolement par rapport à la faune sauvage et l’épuration biologique de l’eau (comme dans les piscines biologiques) permet de réduire la pression des pathogènes dans l’élevage. De plus, à ce jour, peu de maladies sont connues pour avoir un impact négatif sur les grenouilles. Voici les plus connues et surveillées dans le monde :

  • Le chytride (Batrachochytrium dendrobatidis) : ce champignon pathogène, qui s’attaque aux amphibiens, remonte par le sud. Des mesures ont été prises afin de limiter la propagation de cette maladie dans les populations sauvages (Dirk Schmeller et Adeline Loyau, 2014).
  • La maladie des pattes rouges, opportuniste : non présente dans l’élevage car la température de l’eau est contrôlée et maintenue au-dessus de 10°C.
  • L’hydropisie : gonflement des grenouilles suite probablement à des soucis cardiaques ou rénaux

Peut-on qualifier l’élevage d’intensif ?

Cela dépend de ce que l’on met derrière ce mot. On peut considérer l’élevage comme intensif car les grenouilles sont dans un bâtiment, et que à surface égale, nous produisons beaucoup plus de grenouillettes que dans le milieu naturel élevage extensif ou ranching). En revanche il faut savoir que la grenouille est un animal grégaire. Une grenouille isolée est craintive. Ainsi il est très courant de trouver des grenouilles attroupées autour des mares lors de la période de reproduction et une forte densité de population reste très habituelle pour les grenouilles. Chez nous, chaque grenouille a la liberté de se déplacer dans son enclos, chacune a accès à la nourriture, à de l’eau propre et reste dans sa zone thermique de confort. Rassembler les grenouilles permet aussi de limiter la consommation d’énergie et d’eau.

Mâles et femelles sont-ils mis en contact lors de la reproduction ?

Oui bien sûr. La reproduction à Aquaprimeur est naturelle. Les géniteurs sont placés dans des bassins spécifiques qui reproduisent les conditions nécessaires à la reproduction. Le mâle s’accroche à la femelle (c’est l’amplexus) déclenchant la maturation finale des ovules (Loretta, 2018). Des supports en laine sont utilisés pour remplacer les algues et plantes aquatiques.  Les femelles viennent ensuite déposent leurs ovules. Le mâle aide l’expulsion en massant le ventre de la femelle avec ses pattes arrière tout en versant sa laitance. C’est le mâle qui surveillera les œufs durant l’incubation. Le développement des têtards commence dès la fécondation.

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Est-ce que le cannibalisme indique un défaut  de bien-être  des grenouilles d’élevage ?

La grenouille est réputée pour son caractère cannibale à l’état naturel entre dominantes et dominées (A. Neveu, 2004). Les grenouilles de la lignée domestiquée par l’INRA ont été choisies pour leur moindre tendance cannibale, permettant d’assurer une vie sereine à tous les individus nés sur l’élevage. Les soigneurs en distribuant régulièrement l’aliment aux grenouilles selon une méthode assurant la disponibilité pour chaque individu, contribuent à diminuer cette tendance naturelle. Aussi, pour favoriser la tranquillité des plus petits, nous isolons les plus gros.

Est-ce que l’élevage engendre des pollutions d’eau ?

Le circuit d’eau de l’élevage s’apparente à un circuit fermé. L’eau est en grande partie recyclée dans le but de limiter la consommation. La part d’eau recyclée est filtrée grâce à quatre systèmes complémentaires : un décanteur, des brosses de filtration, un filtre à tambour et un filtre biologique. Comme dans les piscines biologiques. Les eaux usées sont contrôlées et partent dans le réseau d’évacuation. Un projet de lagunage (décantation des eaux usées) est en réflexion. Afin de garantir un environnement sain et notamment le renouvellement des minéraux, une partie de l’eau est renouvelée chaque jour.

Y’a-t-il une période d’hibernation comme dans la nature ?

A l’état naturel, l’activité de la grenouille est ralentie en hiver (quand les températures sont trop basses) avant de reprendre au printemps pour la reproduction. Chez Aquaprimeur, le maintien de l’eau à une température supérieure à 20°C assure pour les animaux des conditions optimales toute l’année.

Comment chauffez-vous l’eau des bassins ?

L’eau dédiée à l’élevage ainsi que l’air ambiant sont chauffés grâce à une chaudière à granulés de bois, qui sont sourcés localement.

Et  si  les  grenouilles  s’échappent  ?  Quel est le risque si des animaux extérieurs entrent dans l’élevage ?

En effet, en cas d’échanges avec l’extérieur, il pourrait y avoir des risques de contaminations des grenouilles (transmissions de maladies des sauvages vers l’élevage, et inversement) et de compétition pour les ressources. Les grenouilles étant des animaux très agiles, grimpeurs et sauteurs, une grande attention a été accordée à la conception de bassins adaptés et suffisamment hauts. Aussi, les bassins sont dans un bâtiment clos.

Un élevage en amélioration continue

L’élevage d’Aquaprimeur a une vocation expérimentale, c’est à dire que des essais sont constamment effectués pour optimiser les conditions d’élevage ainsi que les conditions de travail des soigneurs. Aquaprimeur recrute régulièrement des stagiaires. Optimiser permet de répondre au mieux aux besoins physiologiques et comportementaux des grenouilles et assurer ainsi leur bien-être. Il s’agit également de raisonner les intrants (nourritures, eau, énergie) pour réduire l’impact de l’élevage sur l’environnement. Quelques tests d’alimentation à partir d’insectes ont été réalisés ainsi que de phytoépuration par les plantes : grenouilles + plantes = raniponie. C’est un mot que nous avons créé à Aquaprimeur : l’aquaponie avec des grenouilles.

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Les cuisses de grenouille, symbole de la gastronomie française, majoritairement importées encore

au pays maraichinPourquoi les français consomment des cuisses de grenouille ?

Réputée dans la gastronomie française, la cuisse de grenouille se consomme majoritairement au restaurant ainsi que dans un cadre familial, historiquement au sein des régions humides telles que la Dombes, le Jura ou la Vendée, régions où étaient traditionnellement pêchés ces amphibiens (Conseil National des Arts Culinaires, 1995).

Les cuisses de grenouilles se consomment cuites, souvent à la poêle avec du beurre, de l’huile d’olive et une persillade. D’autres recettes régionales existent : en ragoût, frites en beignets, en potage, en fricassée, ou encore poêlée avec de l’ail.

La viande de grenouille est très maigre et riche en protéines, fer, iode, zinc, sels minéraux et vitamines. De plus, cette viande étant longue à décortiquer et donc à manger, elle peut être intéressante pour les personnes souhaitant perdre du poids. (QOOQ, 2017 ; Futura, 2018)

Les restaurateurs proposent de la grenouille par passion et par tradition. C’est un produit de luxe car l’approvisionnement est devenu difficile avec les mesures de protection des zones humides. Si l’élevage se développe il ne suffit pas.

A l’heure actuelle, la consommation française est estimée à 60g par an et par personne, juste un peu moins que la caille + le pigeon. Très très très loin derrière le poulet, dont nous consommons chacun 20kg par an.

D’où viennent les cuisses de grenouilles consommées en France ?

La pêche de grenouilles a été interdite en France en 1979. Elle n’est aujourd’hui tolérée que pour le loisir et à des fins non commerciales dans un but de conservation des espèces locales (legifrance, 1979).

Alors l’approvisionnement est à ce jour majoritairement de l’importation.Capture d’écran 2024-08-26 21.52.22

4000 tonnes de cuisses de grenouilles surgelées et 400 tonnes de cuisses de grenouilles fraîches sont consommées chaque année en France (SMEL, 2017).

  • Les cuisses congelées proviennent principalement d’Indonésie où les grenouilles sont d’origine sauvage, prélevées dans les zones humides puis transformées sur place, congelées et exportées souvent vers la Pays-Bas et la Belgique avant d’arriver en France. C’est un long voyage, peu respectueux des valeurs sociales et environnementales d’aujourd’hui. Pour autant, ce produit arrive peu cher en France : autour de 15€/kg.
  • Les cuisses fraiches sont préparées dans des ateliers français qui importent des grenouilles majoritairement de Turquie, d’Azerbaïdjan, d’Égypte et d’Albanie où elles sont pêchées. Ce sont des cuisses devenues françaises, servies dans les restaurants gastronomiques, plus respectueux de la traçabilité, de la fraicheur et de l’artisanat français. Ce produit travaillé en France coûte plus cher, environ 55€/kg. Pour autant, les grenouilles viennent d’ailleurs.
  • Cinquante tonnes de cuisses sont issues de pêche française dans les étangs de Franche Comté. C’est une activité saisonnière, traditionnelle, et hautement réglementée par les autorités (articles 411-2 et R. 411-6 à R. 411-14 du code de l’environnement).

Les importateurs relatent une baisse des approvisionnements, car les pays progressivement régulent la pêche dans les zones humides. Il est probable que ces pays interdisent finalement la pêche, tout comme l’ont fait la France en 1979 et l’Inde et le Bangladesh en 1987. Ce même avenir semble se profiler en Indonésie, principal exportateur de cuisses de grenouilles.

Face à ce contexte d’importation, on peut se demander pourquoi l’élevage de grenouilles ne s’est pas encore développé en France, d’autant plus que l’argument du « Made in France » semble intéresser de plus en plus de consommateurs français. L’INRA a débuté des travaux de recherche pour domestiquer la grenouille dans les années 80. L’élevage se développe petit à petit en France, avec des valeurs sociétales et environnementales fortes.

 

Est-il vrai que les grenouilles sont abattues conscientes ? Et donc qu’elles souffrent ?

Dans la nature les batraciens hibernent, c’est-à-dire que leur métabolisme se réduit fortement durant la période hivernale. C’est ce mécanisme qui est mobilisé pour l’abattage : les grenouilles sont mises en hibernation par le froid puis abattues. Elles ne sont donc pas conscientes et ne souffrent pas. Cette méthode est la plus efficace trouvée à ce jour pour les batraciens, et autorisée par les services vétérinaires nationaux.

Comme tout produit, il existe des règlements sur la manipulation et la préparation des grenouilles destinées à la consommation afin de garantir la sécurité alimentaire des produits : le règlement européen n° 853/2004 régit l’hygiène des produits et le règlement n° 2074/2005 régit les conditions de transport. Plus récemment, la DGAL direction générale de l’alimentation, a promulgué une instruction technique (DGAL/SDSSA/2019-380) régissant les méthodes de mise à mort et transformation.

 

Qu’est ce qui est fait de ce qui n’est pas consommé ?

En France seules les cuisses de la grenouille sont consommées. C’est ce que les restaurants appellent la coupe parisienne. Cependant en région Rhône-Alpes la coupe lyonnaise est préférée : toute la carcasse est cuisinée.

A ce jour, ce qui n’est pas consommé n’est pas utilisé. Plusieurs projets sont en cours pour valoriser la peau en cuir ou en cosmétique comme au Brésil, ou même en lutte contre les nuisibles en agriculture ! Enfin des blocages réglementaires restent à lever pour pouvoir valoriser autrement ces co-produits.